Chroniques du Itiaï
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Chroniques du Itiaï

Oyez, oyez, l'histoire du XXIVième siècle...
 
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Rytë Kasiri

Rytë Kasiri


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MessageSujet: Répondre au sang par le sang.   Répondre au sang par le sang. Icon_minitimeSam 26 Juin - 21:09

La neige n’arrêtait pas de tomber depuis environ 3 heures du matin, recouvrant toute la ville d’un épais manteau blanc. Rytë, depuis le début de cette longue nuit, n’avait pas quitté son poste, en haut de la Tour qui sevrait de repaire aux membres de l’Opposition. N’importe qui à sa place serait mort de froid, mais les pouvoir de mage de Rytë le préservaient de ce genre d’inconvénients. Enveloppé d’une cape noire comme la nuit, le Premier Sage était assis en tailleur sur le sol maculé de neige, et fixait l’horizon. Il songeait à son père. Comment cet homme si fort avait il pu perdre contre une gamine ? Comment lui qui était invincible, lui qui ne pouvait pas mourir, avait il pu rendre son dernier souffle sous le commandement d’une enfant ? Rytë ne pouvait s’expliquer cela, et ces questions qui le tourmentaient tant ne cessaient de le hanter. Pourquoi songeait il plus aux morts qu’aux vivants ? Malgré le décès de son père, des personnes restaient là, des personnes qui avaient besoin de lui. Il ne devait pas laisser la rancœur l’envahir. Ou plutôt, si. Mais il devait s’en servir pour devenir encore plus fort. Attiser le feu de la haine pour déclencher un incendie dévastateur contre lequel la Reine-Fleuve ne pourrait strictement rien faire. Pendant un bref instant l’image de sa mère pleurant la mort de celui qu’elle aimait lui revint. Il revit mentalement les larmes qui noyaient ses yeux bleus et entendit ses paroles de haine et de vengeance. Elle devait se sentir si seule à l’heure actuelle… Puis il chassa ces pensées peu constructives, et qui l’affaiblissaient plus qu’elles ne le rendaient fort. Rien ne devait pouvoir l’arrêter dans sa quête du pouvoir. Ni la pitié, ni la compassion, ni la fatigue, ni les remords… Rien.


Rytë attrapa quelques flocons du bout des doigts et les regarda fondre instantanément au contact de sa peau si chaude. Il fallait qu’il trouve un moyen de frapper très fort. Un moyen de faire comprendre qu’opposer une quelconque résistance fasse à lui était peine perdue. Séparer la ville en deux, amputer la Reine d’une partie de son royaume, c’était une chose. S’emparer de la totalité du royaume s’en était une autre. Et il avait beau retourner le problème dans tous les sens Rytë ne voyait pas comment vaincre l’armée si puissante qui servait le palais royal. Il faudrait combattre, et ils étaient inférieurs en nombre. « Mais supérieurs en force… » Pensa-t-il, un soupçon optimiste derrière son masque de glace.
Rytë soupira longuement, le contact de son souffle chaud matérialisant dans l’air un nuage de fumée blanchâtre. La nuit qui avait été bien longue, touchait à sa fin. Et cette nuit encore, il n’y avait rien de notable à signaler. Du côté de la Ligne, les gardes de la Reine et les gardes Opposantes s’affrontaient toujours mais ni l’une ni l’autre ne souhaitait céder du terrain. L’Histoire piétinait. Rytë voulait de l’action, des combats s’il le fallait, mais que quelque chose se passe ! Il ne pouvait supporter d’attendre ainsi sans rien faire. Les autres sages avaient jugé trop risqué de tenter une attaque maintenant. La précédente était trop récente. Il fallait attendre un peu. Rytë ne supportait pas cette attente. Il était trop tard pour reculer. Il fallait rendre la justice maintenant ou se taire à jamais. Le Premier Sage resserra sa cape contre lui. Il fatiguait et chaque parcelle de son corps le lui faisait savoir.


Quand le jour se lèverait il retournerait dans la maison où sa mère et sa domestique avaient emménagé après l’établissement de la Ligne. Là-bas il mangerait et dormirait. Puis, lorsqu’il se réveillerait, il proposerait une nouvelle fois à ses amis mages d’attaquer le palais. Il était prêt à servir de leurre s’il le fallait. Il s’était assez entrainé maintenant. Il pouvait se camoufler sous la neige, trouver un moyen pour se rendre de l’autre côté sans que la Garde de la Reine ne l’arrête.
Rytë voulait agir.
La première personne à qui il parlerait serait Herinnen, lui qui lui avait juré allégeance. Lui qui avait promis de le suivre jusque sur le cadavre de la Reine-Fleuve. Il l’écouterait forcement. Rytë avait parfaitement confiance en lui et savait qu’il trouverait quelque chose. Et, même s’il s’avérait qu’Herinnen lui réponde qu’il était trop tôt pour une attaque, il savait aussi qu’il trouverait de quoi le faire patienter. Encore un peu. Il était comme un loup qui n’attend que de combattre et qu’on tient enchainé. Un loup qui avait l’apparence d’un chiot.

Le jeune sage n’avait pas bougé de sa position assise. En le regardant, nul ne pouvait se douter des sombres pensées qui naissaient dans son crâne. Son visage était impassible. Il agita ses doigts devant lui et fit remonter quelques flocons qui se trouvaient sur le sol jusque dans le creux de sa main, presque distraitement, comme pour passer le temps avant l’aube.
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Herinnen

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MessageSujet: Re: Répondre au sang par le sang.   Répondre au sang par le sang. Icon_minitimeSam 3 Juil - 10:36



  • Dans l'immensité blanche et glaciale de l'Hirmaïe, le Itiaï semblait être un petit point noir. Et dans les rues aux couleurs manichéennes, la Ligne rouge ressemblait au moignon frais d'un blessé de guerre. Autour de cette Ligne, les bâtiments en ruines semblaient menaçants comme de géantes araignées dans les ténèbres. Tenant tête au Château, la Tour se dressait noire et puissante, sûre sur ses fondements. Même les rues semblaient s'affronter dans un gigantesque combat de titans. Dans ce combat muet et immobile, quelle place avaient les hommes, ces misérables petites fourmis ? Quelle place avait Herinnen ?

    A deux heures du matin, dans la Tour, tous dormaient. Tous ? Pas tout à fait : deux hommes étaient réveillés. L'un sur le haut de la Tour sous la neige, l'autre se tournant et se retournant dans son lit. Le sommeil semblait fuir, laissant Herinnen se tourmenter entre ses draps.
    Le jeune homme regardait le plafond de bois et de pierre, allongé, ses jambes étendues et ses bras en croix sur sa poitrine nue. Le vent était léger et la neige tombait encore et encore, heurtant sa fenêtre. Le son était doux, presque aérien mais aux oreilles fines et sensibles d'Herinnen, ce bruit était insupportable, répétitif et irritant. Le Mage soupira et fit dos à la fenêtre. Ses cheveux blancs et détachés tombèrent dans son visage. Non, décidément, il ne pourrait pas dormir cette nuit. Tout semblait l'en empêcher : cette angoisse grandissante dans son coeur comme une enclume, par exemple. Mais cela ne se voyait même pas : le Septième Sage ne fronçait même pas les sourcils et ses traits s'étaient à peine durçis. Ce n'était pas pour rien que les Hommes le comparaient à la glace. Il savait trop bien ce qu'on pouvait penser des personnes qui laissent passer les sentiments sur leur visage : on a l'impression de pouvoir les dominer et les écraser. Autant vous dire qu'Herinnen n'y pensait même pas. Le seul qui manipulait tout le monde ici, c'était lui. Le seul qu'il épargnerait, ce serait Rytë, le rêve de paix qui allait s'étendre sur le Itiaï.

    Le jeune homme se leva brusquement et s'assit dans son lit. Il ne pourrait plus dormir cette nuit. D'ailleurs, le manteau noir qui s'était étendu sur l'Hirmaïe commençait à s'éclaircir, transformant le noir insondable d'une si belle nuit en une si belle teinte de bleu si foncé. Herinnen repoussa ses draps et sortit nu de son lit. Après s'être lavé le visage dans une cuvette d'eau glaciale, le jeune homme enfila quelques vêtements posés la veille.

    Après quelques minutes, le Sage sortit, à trois heures du matin comme si c'était tout naturel de commencer sa journée à cette heure-ci. Ses cheveux étaient tirés en arrière, comme d'habitude et sur ses épaules et ses bras reposait sa fourrure de loup blanc. Il devait voir Rytë. Il était sûr que le jeune homme ne dormait pas non plus. Herinnen s'immobilisa au beau milieu du long couloir vide et ferma les yeux pour mieux se concentrer. L'esprit de Rytë était fort, mais à présent, plus personne ne pouvait résister au pouvoir du Mage. Celui-ci se glissa dans les sombres pensées du premier Sage. Il pensait à son père, il utilisait son pouvoir, il fixait l'horizon et... Et il fut rejeté de l'esprit de Rytë. A présent, il devrait attendre vingt minutes pour deviner à nouveau ce qui pouvait bien se passer dans les pensées de son 'ami'. Rytë était bien la personne la plus proche du Septième Sage, depuis la mort d'Huoriu. Le rêve de paix n'était pas le seul à porter le deuil du sang qui avait été versé lors du soulèvement de l'Opposition.
    Herinnen ouvrit à nouveau les yeux pour retrouver le couloir à peine éclairé par quelques torches. Il n'y avait aucun doute, Rytë était en haut de la Tour. Un rapide regard par une des fenêtres lui apprit que la neige tombait encore et encore. Cette maudite neige ! Le Sage traversa le couloir à longs pas vifs et se dirigea vers le lieu où il pourrait trouver l'homme qu'il cherchait.

    Après quelques minutes de marche et de nombreux escaliers, Herinnen sortit enfin à l'air libre. Le vent, le froid et les flocons l'assaillirent. Le jeune homme resserra sa fourrure autour de lui. Contrairement à Rytë, le froid pouvait l'attaquer sans problème sous son épaisse fourrure. Le Mage rangea une mèche de ses cheveux blancs derrière son oreille. Elle s'était échappée de sa queue de cheval quand l'air frais avait fouetté son visage. Mais de son trouble face au changement d'atmosphère, rien ne se montra et son visage resta de glace. Comme d'habitude, non ?
    Herinnen regarda Rytë qui était assis, là, en tailleur, se protégeant du froid avec une seule cape noire et son pouvoir si puissant. Malgré tout, le Mage pouvait tout de même voir qu'il commençait à s'épuiser. Il y avait fort à parier qu'il avait passé toute la nuit ici, sous la neige, en proie à de sombres pensées, qu'il ne communiquerait aux autres Sages qu'une fois ordonnées et logiques. Dès fois, il lui parlait, il lui demandait un conseil et le Septième Mage essayait toujours d'y répondre le plus justement possible. Rytë suivait souvent ses conseils et cela lui faisait plaisir. Mais aucun des deux hommes n'étaient habitués à se faire des compliments ou à se dire merci. C'était comme cela que ça devait marcher et ça marcherait toujours comme cela. L'ordre des choses était établi et il était bien établi. Le jeune homme regarda s-le Premier Sage : il avait les cheveux bleus et les yeux de la même couleur, comme la Reine. Mais si ce rêveur idéaliste montait sur le Trône, entouré des autres Sages, bien sûr, Herinnen donnerait sa main à couper, et même sa vie pour que tout se passe mieux. Il ne ferait pas comme la Reine-Fleuve faisait à présent : il ne donnerait aucune chance à une quelconque opposition de se lever ou d'exister, il l'anéantirait, comme il anéantirait la Reine.

    Mais passons, nous n'y sommes pas encore. Le jeune homme aux cheveux blancs sentait bien que quelque chose tournait dans la tête de Rytë et que celui-ci aurait peut-être besoin de parler à un être censé. Etre censé qui serait lui bien évidemment. Alors, pour lui donner une chance de s'exprimer sans avoir à parler le premier, Herinnen lui sortit une pure banalité :

    - Votre pouvoir commence à s'affaiblir, Rytë, constata d'une voix froide, posée, égale comme s'il constatait qu'il neigeait.

    Voilà, la conversation était en route, c'était à Rytë de lui confier ce qu'il voulait quand il le voulait. En attendant, Herinnen supporterait le froid comme s'il était dans une tiède chambre un soir d'été.

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Rytë Kasiri

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MessageSujet: Re: Répondre au sang par le sang.   Répondre au sang par le sang. Icon_minitimeMer 28 Juil - 21:04

Rytë perçu la présence d’Herinnen avant même qu’il ne parle. Quelque chose qui passa dans l’air, presque électrique. Un regard persistant dans son dos. Il ne sut pas immédiatement que c’était le septième sage mais qui d’autre pouvait être réveillé à une telle heure ? Et surtout qui d’autre serait prêt à affronter le froid de l’aube naissant pour le voir ? Rytë ne bougea pas. Il se demandait si son ami avait pénétré ses pensées, ou s’il s’en était gardé. Ce n’était pas une chose qu’il faisait aussi souvent que cela mais lorsqu’il le faisait la précision de la vision en était presque terrifiante. Le jeune sage fixa l’horizon silencieux et pur recouvert de la blancheur presque lumineuse de la neige. Cette étendue qui ne finissait que pour plonger dans l’immensité de l’univers, comme si elle était la lisière du monde, comme si rien d’autre n’existait que la glace et l’Itiaï, minuscule reste de civilisation perdu dans ce désert de froid, faisait naitre en Rytë un sentiment de puissance. Eux, habitant du Itiaï étaient sans nul doute les derniers survivants d’anciens peuples, et lui, Rytë Kasiri, monterait sur le trône avec à ses côtés le conseil des Sages, afin de rétablir l’ordre des choses. Ce monde de glace que ses semblables devaient prendre garde à ne pas sous estimer sous peine de ne pas y survivre, ce monde ne pouvait se passer de lui. Il avait besoin, à sa tête, de quelqu’un qui ne le craigne pas.


Lorsque Herinnen parla, naturellement, comme si sa présence ici n’avait absolument rien d’anormal, sortant par la même occasion son ami de ses pensées, Rytë ne se retourna pas immédiatement. Il attrapa l’une de ses mèches de cheveux bleues, semblant presque briller dans la lumière étrange de l’Hirmaïe, et la fit jouer entre ses longs doigts blancs. Il était vrai que son pouvoir s’affaiblissait. Une moue boudeuse que le septième sage ne put pas voir se dessina sur le visage de Rytë. Il détestait se rendre à l’évidence, et être obligé de constater qu’il n’était pas invincible et que le froid et la nature seraient toujours plus forts que lui. Car si les éléments pouvaient le vaincre, pourquoi d’autres personnes n’en seraient pas capables ? Et qu’arriverait-il s’il s’agissait de personnes œuvrant aux côtés de la reine ? Repoussant ses cheveux dans un geste de dédain le premier sage se leva et pivota pour faire face à Herinnen.


« C’est exact. » souffla t’il, son visage redevenu de marbre. « Et s’épuiser inutilement, par les temps qui courent, serait plutôt risqué n’est-ce pas ? » Il planta ses yeux dans ceux de son ami, cherchant à y déchiffrer quelque chose, un air moqueur, de la compréhension ou de l’affection… Mais on ne pouvait pour l’heure rien y lire si ce n’est une sorte de supériorité naturelle. Rytë hésita, quelques secondes seulement, mais suffisamment pour que son hésitation soit perçut par un interlocuteur un peu attentif. Devait-il parler maintenant de ses envies et de ses doutes à Herinnen ou devait-il attendre ? Dans ses yeux il ne pouvait lire ni signe d’encouragement, ni, au contraire, d’avertissement à se taire.


Le premier sage croisa ses bras sur son torse, resserrant sa longue cape noir autour de lui par la même occasion. Ce geste de protection inconsciente contrastait avec l’air fier que prit son visage lorsqu’il dit, toujours sur ce même ton posé : « Où en sommes-nous Herinnen ? Où en sont nos troupes ? Combien de temps devront nous attendre encore ? » Pendant qu’il parlait, ses yeux ne quittaient pas ceux de son ami, comme si il se refusait à laisser entrevoir la moindre parcelle de doute, comme si il était parfaitement sur de lui. Il avait posé ces questions comme de simples vérifications de routine, comme pour se tenir au courant des dernières nouvelles. Mais derrière ces apparences trompeuses, Rytë ne supportait plus l’attente interminable. Il ne supportait plus de vivre dans l’ombre de cette tour, dans un royaume qui n’était pas le sien, et dont il jugeait les lois injustes. Rytë soupira imperceptiblement et baissa enfin les yeux vers l’épaisse fourrure de loup que portait son ami. Sans doute un animal un peu trop téméraire et qui avait pensé pouvoir se mesurer à l’homme sans connaitre l’écrasante supériorité de celui-ci. Rytë imagina pendant une demi seconde être ce loup qui sous estime la force de son adversaire et fonce tête baissée, mais il repoussa ces pensées comme elles étaient venues, en relevant brutalement les yeux vers le visage d’Herinnen. Il était hors de question qu’il abandonne, rien ne devait l’éloigner du but qu’il poursuivait. Car si lui n’y arrivait pas, qui le pourrait ? Il était né pour cela, il avait été formé pour cela, alors rien ne devait se mettre en travers de sa route.


Rytë sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale, signe que son pouvoir s’affaiblissait de plus en plus. Il pouvait à présent sentir sur ses bras les flocons qui fondaient en entrant en contact avec sa peau, alors qu’ils n’étaient habituellement que d’imperceptibles caresses. Mais, dans son regard, on ne lisait que détermination, et le premier sage luttait de tout son être pour qu’aucun signe de fatigue ne transparaisse. Le moment n’était pas vraiment bien choisi pour montrer ses faiblesses.
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Herinnen

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MessageSujet: Re: Répondre au sang par le sang.   Répondre au sang par le sang. Icon_minitimeSam 7 Aoû - 6:42



  • Rytë ne réagit pas tout de suite à ses paroles, mais il les avaient entendues, sans nul doute. A vrai dire, il avait même du sentir sa présence depuis le début. Comme lui avait dit Huoriu, ce n'était pas parce qu'il était plus jeune qu'il devait être sous-estimé, au contraire. De plus, la stature et la classe envoûtante du Premier Sage avait de quoi calmer les mauvaises langues, enfin, celles qui parlaient trop fort. Les autres ? Ils n'avaient pas encore d'emprises sur eux. Mais ce temps viendrait.
    Le jeune homme regarda une mèche de ses cheveux d'un bleu profond. Herinnen avait été au service de la Reine, il avait bien sûr pu observer ses cheveux à loisir. C'était une étrange coïncidence qui le faisait toujours sourire : ces deux êtres qui se vouent une telle haine se ressemblent autant. Quelques fois même, alors qu'il travaillait pour la Reine mais oeuvrait en cachette pour l'Opposition, il se demandait pourquoi les Anciens Sages voulaient faire un coup d'état aussi bruyant. Il aurait suffi d'introduire Rytë auprès de la Reine et, avec son charme évident, il l'aurait séduite -puisque son mari ne s'intéressait plus à elle et que le désintéressement semblait réciproque- et Rytë serait monté tout simplement sur le Trône auprès d'elle. Là, les Sages auraient eu de plus en plus de pouvoir et la Reine de moins en moins. Mais Herinnen ignorait beaucoup de la liaison de la Reine avec Kaleb, son Vizir et de toutes manières, à présent qu'il était clair que Rytë était à la tête de l'Opposition, il était bien trop tard. Mieux valait se battre et affirmer sa valeur, pensait-il pour ne pas regretter d'avoir tu son plan. Et puis... Il y avait comme... autre chose. Comme s'il savait qu'il aurait regretté de ne pas avoir donné à Rytë les moyens de prouver son honneur, sa force et sa supériorité comme il le désirait, comme son père, Alwin l'avait voulu pour lui.
    Les hommes se déchireraient donc dans les rues du Itiaï, répandant leur sang sur la neige jusqu'à ce qu'un des deux partis cède. Et ce serait le parti de la Reine, bien sûr. Ils étaient tellement assurés de leur pouvoir qu'ils ne croiraient qu'à moitié à leur attaque et qu'ils ne penseraient jamais que des milliers de soldats grouillaient dans la Tour et dans les rues de l'Autre Partie.

    Alors qu'Herinnen pensait au spectacle que le sang sur la neige lui offrirait, Rytë s'était tourné vers lui, rejetant d'un geste plein de grâce et de supériorité ses cheveux. Il n'était que ça : grâce et supériorité. Il était digne d'un Roi. Il était tout ce qu'Alwin et les Anciens Sages voulaient. Ses yeux d'un marron noisettes rencontrèrent les siens sans hésiter et sans sourcilier. De toutes manières, Rytë ne pourrait pas y lire grande chose. Et encore, il était celui qui pouvait le mieux y lire. Quand le jeune homme brisa à nouveau le silence, ce fut pour approuver ses paroles. Il avait cependant un peu de réticence à admettre sa faiblesse, chose qu'Herinnen pouvait tout à fait comprendre. Mais il avait confiance en lui, comme tous les membres de l'Opposition. C'est pourquoi il eut un léger sourire un peu ironique et lui répondit d'une voix plate et calme :

    - Ne sous-estimez pas vos capacités de récupérations, fit-il. La Reine est aussi, sinon, bien plus épuisée que vous. Avec le temps qui passe et le nombre toujours grandissant de personnes qui rejoignent l'Opposition, vous êtes sur la voie qui mène à l'apogée et la Reine sur le chemin inverse. Vous vous croiserez bientôt.

    Herinnen faisait bien sûr allusion au plan qu'ils avaient mis en place et qu'ils attendaient patiemment d'exécuter. Ils allaient mettre le premier coup au Royaume et ils allaient bien le faire. le Septième Sage faisait tout, dans la mesure de ses moyens pour encourager Rytë sans pour autant avoir l'impression d'agir envers lui comme envers un enfant plus jeune que lui. Il le laissait à la première place comme son titre l'indiquait mais il restait tout de même derrière son trône pour le pousser sans cesse à aller jusqu'au bout de sa destinée sans flancher. Ce n'était plus l'heure de flancher, c'était l'heure de vaincre et d'écraser. Rytë semblait hésiter en regardant son visage : l'esprit acéré d'Herinnen le remarqua au bout de quelques secondes. Alors, presque sans efforts il fit un léger sourire : pas un sourire ironique cette fois-ci, un sourire discret, presque doux et complice. Il avait confiance en lui et en ses capacités et il serait toujours là à le soutenir, même si un jour venait que la Reine reprenait l'Autre Partie de la Ville.
    Rytë ne perdit pas son temps : il croisa les bras sur son torse et le somma de lui faire l'inventaire de ses forces. On lisait l'impatience dans sa voix. Il avait hâte. Herinnen reprit un regard froid et indifférent : c'était la posture qu'il prenait quand on lui posait des questions professionnelles. Ce genre de posture mettait directement les gens en confiance et sa voix, posée assurée mais calme faisait le reste. Il réfléchit quelques secondes le temps de faire l'inventaire et se lança quand il fut certain de ce qu'il avançait :

    - Où en sommes-nous ? Nous sommes presque prêts. Presque. Il nous manque des guerriers. La Reine en a bine plus que nous et, mis à par Sael, peu des nôtres sont des Chevaliers. Cependant, Gir, le Huitième Sage fait un travail de recrutement dans les rues de l'Autre Partie et aussi dans les rues de la Partie de la Reine. Nous ne sommes connus que de nom. Après notre coup de force, tout le monde pourra lire en lettres de sang votre nom sur la murs. A partir de là, nos rangs devraient grossir. Mais j'ai bien peur que nous n'ayons encore qu'à attendre de grossir nos rangs. Je ne voudrais pas m'avancer inutilement, mais deux semaines d'attentes me semblent encore nécessaires, Rytë.

    Il prononça tout cela d'une traite : il avait déjà réfléchi à ce qu'il devait dire dans ses moindres détails et ses paroles étaient fluides et calmes. Il savait que ce qu'il demandait au Premier Sage était une vraie torture : attendre. Cela faisait des années qu'il attendait ! Déjà son père, l'Anien Premier Sage devait lui répétait dans son enfance que le Trône de la Reine lui revenait de droit. Depuis, on lui avait dit d'attendre. Herinnen se sentait légèrement coupable même s'il savait que ce qu'il faisait, il le faisait pour leur bien et pour leur certaine réussite. C'est bien lui qui lui avait demandé d'attendre quand il avait vu son père quitter l'estrade entouré de gardes de la Reine, avançant avec certitude vers la mort. C'est lui qui lui avait demandé d'attendre encore à chaque fois que Rytë lui demandait où est-ce qu'ils en étaient. Les autres Sages s'étaient bien gardés de lui dire de telles choses et préféraient être plus conciliants, mais le message était le même. Mais la majeure différence d'Herinnen avec les autres Sages c'était que lui, le Septième, il avait pleinement confiance en Rytë.
    Il restait planté là, enroulé dans sa fourrure, ses cheveux attachés fouettant son dos et les flocons fouettant son visage et ses lunettes regardant le jeune homme en face de lui avec pour seul rempart contre le vent, une cape noire et légère. Oui, cet homme-là avait le pouvoir de renverser la Reine. Les vagues de leur haine se briseraient sur elle et, comme sur un rocher, finiraient par la faire céder. Cela se lisait dans ses yeux d'un bleu troublant : il était déterminé, il n'allait donner aucune chance à la Reine de s'en sortir, il allait la chasser dans ses derniers retranchements et l'achever là, comme un chasseur achève son gibier. A partir de là, alors il pourrait prendre la tête de la Ville et la rendre juste, faire en sorte de réaliser son utopie et ses idéaux. Alors, la Ville serait un endroit de paix de joie et de bonheur où toute opposition au pouvoir serait écrasée. Herinnen croyait en cette utopie et ferait tout afin de guider Rytë vers cette réalisation. Après tout, n'était-ce pas pour cela qu'il faisait partie de l'Opposition ?

    Mais, à présent, il était clair que le pouvoir de Rytë s'affaiblissait et que le froid pénétrait dans sa fourrure. Il était temps de redescendre avec la Lune et laisser le soleil levant répandre ses rayons sur les rues que la nuit avait refroidies. Il était également temps pour eux de peaufiner le plan, de tout prévoir en vue de leur victoire. Le Septième Sage lui tendit la main. C'était un geste qu'il faisait rarement, voire jamais. Il tendait la main à Rytë comme pour lui montrer qu'il pourrait toujours compter sur lui quoiqu'il arrive et que, si un jour il se retrouverait cerné par les ennemis de la Reine, abandonné de toutes ses troupes et de tous les Sages, il y en aurait forcément un pour se battre à ses côtés et que cette personne ce serait lui. Mais cela, Herinnen n'avait pas besoin de le lui dire, Rytë savait assez bien lire dans ses gestes et sur ses traits ce qu'il voulait dire. Herinnen n'était pas un homme de sentiments et ne les exprimait que rarement. Mais ils étaient clairs pour qui voulait bien les lire.

    - Que diriez-vous de faire une visite parmi nos troupes ? Notre forgeron fait de superbes heaumes, fit-il d'une voix également posée. Ce n'était qu'un prétexte, bien sûr. Herinnen ne dirait jamais ouvertement à Rytë, "Venez vous reposer, vous êtes exténués" même s'il l'était. Comme lui avait dit Huoriu, jamais, il ne devrait sous-estimer une personne comme Rytë. Jamais.
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Rytë Kasiri

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MessageSujet: Re: Répondre au sang par le sang.   Répondre au sang par le sang. Icon_minitimeSam 14 Aoû - 18:03

Sur la voie qui mène à l’apogée et la Reine sur le chemin inverse. La phrase prononcée par Herinnen quelques minutes plus tôt résonna dans sa tête pendant un petit moment. Cette image lui plaisait. Après tout, c’était son destin, c’était le chemin qu’on avait tracé pour lui bien avant sa naissance. Il se contentait d’y marcher fièrement en prenant garde à bien lever les pieds pour ne pas avoir de cailloux dans la chaussure, et en s’entourant de personnes qui sauraient lui indiquer la route à suivre si jamais il venait à y avoir par malheur un embranchement. Tôt ou tard, sa route croiserait celle de la Reine et à ce moment là elle ne pourrait absolument rien faire pour étouffer les désirs de vengeance et de gloire qui grandissaient en lui. En attendant, il faudrait être patient, comme était en train de lui répéter inlassablement son ami. Il faudrait attendre encore un peu, ou plutôt, marcher sur le chemin encore vide de toutes traces d’une quelconque gloire, d’un quelconque trône, et encore plus désert de toutes traces de vengeance. Sa conscience lui murmura à l’oreille qu’il exagérait, comme toujours, que la victoire était plus proche qu’il ne le pensait. Leur plan serait bientôt mis à exécution, Herinnen venait de le lui dire, mais ils n’étaient pas assez nombreux. Rytë serra les poings et pinça ses lèvres pour s’empêcher de s’énerver. Il voulait que tout ça aille beaucoup plus vite ! C’était trop lent. Trop inutile. Du sang venait tacher chaque jour la neige somptueuse, et tout ça pour quoi ? Pour attendre encore deux semaines. Le premier sage regardait tomber la neige, comme pour penser à autre chose. Le froid venait délicieusement lui caresser les joues, et chaque souffle de vent le narguait, emmêlant ses cheveux, dans lesquels il s’empressa de passer la main pour y remettre un semblant d’ordre. Un long silence suivit. Rytë ne jugea pas nécessaire de répondre à l’inventaire que venait de lui faire Herinnen. Cela ne ferait que l’agacer, cela ferait naitre le doute en lui, et c’était intolérable. Les autres sages se chargeraient bien du recrutement, de former une armée. Lui, Rytë, n’avait jamais été doué pour les relations avec les autres, alors puisque tout ce qu’il pouvait faire pour l’heure c’était attendre, il attendrait. Le loup qu’il était continuerait pendant quelques temps de se faire passer pour un chien, de ronger les morceaux d’os qu’il était parvenu à trouver ici et là en attendant le grand festin. Mais plus l’attente serait longue, plus le loup qui dormait en lui serait affamé, plus il deviendrait incontrôlable. Il était comme de ces bêtes que l’on a dressé pour le combat, dans l’unique optique de tuer, et qu’on tient enfermés dans une cage avec sous les yeux leur futur proie. Alors, les minutes qui séparent l’animal de l’ouverture de sa cage deviennent pour lui un véritable supplice, un supplice toutefois nécessaire pour faire enfler la rage en lui, pour qu’il canalise toute son énergie sur sa future victime, pour que le moindre de ses mouvements, jusque dans sa manière de se lécher les babines ou de se gratter sans quitter sa proie des yeux, soit effectué de manière à renforcer sa rage, et donc, à rendre sa victoire encore plus écrasante et cruelle. Rytë était enfermé dans une cage bien trop étroite à son gout, et il imaginait la Reine s’assoir sur ce trône qui lui revenait de droit. Sa victoire attendrait bien encore quelque temps, mais elle serait écrasante, ne laissant aucune sorte d’espoir à ses ennemies. Rytë soupira doucement.

Le septième sage lui tendit la main. Rytë la regarda pendant de bien trop longues secondes avant de se décider finalement à la saisir. Ses doigts étonnamment chauds comparés à la température extérieure entrèrent en contact avec ceux d’Herinnen et dans ce geste pourtant anodin, on pouvait ressentir toute la puissance que dégageaient les deux hommes. Dans le silence glacial de l’Hirmaïe le temps semblait presque suspendu, accroché à ce geste symbolique qui représentait, bien plus qu’une simple alliance, une amitié prête à affronter n’importe quel obstacle, et à le surmonter. Rytë avança jusqu’à se trouver exactement à la hauteur du septième sage, puis lâcha ses doigts pudiquement, comme si le contact trop prolongé d’une autre peau humaine le mettait mal à l’aise. En réalité, bien que leurs mains ne se touchèrent que quelques secondes, cela avait suffit pour que Rytë se rappelle brusquement que son ami pouvait absolument tout lire en lui, et ce sans qu’il ne s’en aperçoive. Et il refusait absolument qu’il puisse découvrir combien lui, le premier sage, celui qui devrait siéger à la place de la Reine, se sentait puissant lorsqu’il lui prouvait ainsi son amitié, mieux, sa dévotion. Rytë devait garder ce masque impassible de celui qui n’avait peur de rien, et, si il se sentait en sécurité aux côtés de d’Herinnen, cela devait forcement signifier que lorsqu’il était seul il doutait de ses capacités, chose absolument inconcevable. Il préféra donc lâcher ses doigts et amener habilement son esprit vers d’autres pensées.

-Très bien, alors rentrons, de toute façon, j’allais mettre fin à cette nuit de veille. Et rencontrer ceux qui constituent nos troupes ne serait pas de refus, après tout, ne dit on pas que pour vaincre il faut être uni ?

Rytë sourit comme le ferait innocemment un enfant mais ses yeux, eux, étaient froids. Rien de ses émotions ne transparaissait et ils n’étaient pour l’heure que deux saphirs brillant d’une lueur étrange dans la pénombre. A cet instant, le sage paressait totalement dénué de toute trace de sensibilité.

-Cela au moins, ne sera pas inutile, continua-t-il, soufflant sa phrase dans l’air comme un murmure non dénué d’un soupçon d’amertume à l’idée que tout ce qu’ils faisaient depuis quelques temps soit finalement vain, et qu’ils ne parviennent pas à emporter la victoire.

Détournant le regard, il devança Herinnen et s’avança de manière à pénétrer à l’intérieur de la tour, sa longue cape noire s’agitant derrière lui dans le vent, son dos droit et sa démarche fier.

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